Vingt-deuxième leçon : Dernier conseil à mes élèves

En terminant ce cours, je veux raconter, selon mon habitude, une dernière anecdote à mes élèves. Elle leur montrera un des écueils de la pratique de l’hypnotisme et du magnétisme, et leur indiquera ce qu’il faut faire pour l’éviter.

Il y a quelques mois, j’eus le plaisir de recevoir la visite d’un charmant homme. Il était dans toute la force de ses trente-cinq ans, avait une figure sympathique, encadrée dans une belle barbe noire, il avait l’œil dominateur : en somme le type absolu de l’hypnotiseur.

-Monsieur, me dit-il, je m’intéresse passionnément à l’hypnotisme. Depuis dix ans, j’ai dévoré tous les livres traitant de cette question et je prétends connaître à fond, non seulement la théorie, mais encore la pratique de cette science. Or, à ma grande honte, je n’ai pu encore réussir complètement une expérience.

-Habitez-vous à Paris ?

-Non, je réside à Xì

Il me cita le nom d’une petite sous-préfecture.

-Vous n’avez probablement pas trouvé de sujets ? C’est là l’écueil des petites villes.

-Pardon, pardon ! J’ai trouvé des centaines de sujets, mais je n’ai pu les endormir entièrement. Les uns riaient sans éprouver la moindre influence, les autres résistaient. Je le sentais à la tension de leurs nerfs, à l’acuité de leur regard presque agressif en me fixant. Bref, j’étais vaincu par mes sujets, et en somme, c’étaient eux qui me dominaient. En regardant ce beau spécimen de l’homme fort, au regard vainqueur, à la foi intense, je demeurai quelques minutes interdit.

Puis, un éclair intuitif vint m’éclairer :

-Quelle profession exercez-vous dans votre petite ville ? lui demandai-je

-Je suis épicier, monsieur.

-Et vous êtes connu ?

-Comme le loup blanc !

-Avez-vous un ami, aux environs de votre ville, habitant un pays où vous êtes inconnu ?

-Oui, à une dizaine de lieues, dans un gros chef-lieu de canton, se trouve un notaire qui est un peu mon cousin.

-Priez-le de vous inviter un dimanche, et de vous présenter à ses amis et aux habitants du bourg, comme un célèbre hypnotiseur-magnétiseur de Paris. Et promettez-moi de me rendre compte de cette réunion.

Mon visiteur, qui avait compris ma pensée, partit en me remerciant du conseil, et m’affirma qu’il me raconterait les péripéties de l’aventure.

Il a tenu promesse, et j’ai reçu le compte rendu du déjeuner chez le notaire, sous la forme d’une lettre que je publie intégralement, en supprimant simplement le nom et l’adresse de mon correspondant. Elle éclairera d’un jour spécial la question de l’influence magnétique.

Mon cher Maître,

« J’ai suivi vos conseils, et, dimanche dernier, mon cousin le notaire m’a invitã à déjeuner et m’a présenté à une nombreuse société ; parmi laquelle des jeunes filles et des enfants. J’ai été présenté sous le nom de professeur Marco, élève de Donato. Vous excuserez cette petite supercherie ? Pendant le repas, les invités n’ont eu égards que pour moi ; chacun m’accaparait, et je dus raconter de fantaisistes aventures, des résultats étonnants d’expériences hypnotiques pour pouvoir rester dans mon rôle.

Naturellement entre le café et la bénédictine, chacun m’a prié de montrer un échantillon de mon talent, et je dois vous dire que mon succès a été complet et a dépassé toutes mes espérances. J’ai réussi l’attraction en avant et en arrière sur tous les assistants ; même sur mon cousin qui y a mis de la bonne volontã et j’ai endormi complètement deux jeunes filles et le receveur de l’enregistrement. Ce dernier a dansé, chanté, pleuré, a été un pompier merveilleux, un pêcheur à la ligne émérite. Les jeunes filles ont étonnã l’assistance par des expériences d’état d’âme : piété, extase, colère, envie, etc. Bref, j’ai fait de nombreux adeptes de l’hypnotisme. Merci mille fois de votre conseil qui m’a prouvé une fois de plus, la justesse du proverbe « Nul n’est prophète en son pays ». »

Z…, épicier à X

Or, chers étudiants magnétiseurs, remarquez que mon aimable correspondant se trompe absolument en citant ce proverbe. Ce n’est pas parce qu’il est trop connu dans son pays, que ses concitoyens refusent de subir son influence ; il doit sa non-réussite à SA PROFESSION. Certainement, la profession d’épicier est très honorable, et l’on peut, tout en ceignant le tablier à blanc et en vendant du poivre et du café, avoir un idéal élève et de nobles aspirations. Mais cependant on reste toujours pour ses concitoyens : Z…, l’épicier. Et les mijaurées du pays, quand il passe sur la promenade, disent entre elles : « As-tu vu l’épicier de la rue des Trois-Bornes, tu sais qu’il délaisse la mélasse pour l’hypnotisme ? Il fait son petit Donato, il veut endormir les gens, ma chère ! »

Et ceux et celles qui se prêteront à ses expériences le feront avec une telle mauvaise volonté, avec un tel désir de lui infliger un échec qu’il est vaincu d’avance. Chez son cousin, il a fait subir à ses spectateurs une double suggestion. Ils le croyaient un professionnel, ils savaient qu’il avait la puissance d’endormir et, d’avance, avant même de le connaître, ils étaient influencés.

Le prestige de la profession est énorme en hypnotisme, chers élèves, et dans votre ville le potard du coin, le commis des Ponts et Chaussées ou l’architecte municipal peuvent s’occuper de magnétisme, sans être « blagués », tandis que l’épicier, le charcutier ou l’entrepreneur de vidanges iront à un échec certain malgrã leur allure dominatrice ou leurs qualités d’hypnotistes. Et j’ai répondu à mon visiteur, en lui faisant ces quelques observations et en ajoutant : « Cette constatation ne doit pas vous décourager, cher monsieur, et je souhaite que ma lettre tombe sous les yeux des charmantes jeunes filles que vous avez endormies, et du receveur d’enregistrement que vous avez transformé en pompier au timbre vibrant. Ils seront certainement mortifiés d’apprendre que le célèbre professeur Marco est l’épicier d’une ville voisine, mais ils connaîtront ainsi la puissance de la suggestion, ils sentiront son rôle dans la vie, et leur goût pour les sciences psychiques deviendra plus vif. Quant à vous, cher monsieur, il vous suffira de prendre un double visage. Vous serez l’épicier chez vous, et le magnétiseur en dehors des limites de votre octroi, jusqu’au jour où vous pourrez, retiré des affaires résultat que je désire rapide devenir à tout jamais le professeur Marco, pour le plus grand bien de l’humanité. »

Je n’ajoute rien, chers étudiants magnétiseurs, vous m’avez compris et avant de faire de l’hypnotisme dans votre ville, vous jugerez si votre profession peut peser dans la balance de la réussite.
 

 

Dans ce cours d hypnose, apprenez à pratiquer et à maitriser le grand art de l’hypnotisme en 22 leçons:

 

Retourner à la page Hypnotisme et comment hypnotiser une personne